On nous présente souvent le pardon comme un remède miracle, comme une grâce qu'il suffirait d'accorder pour guérir nos blessures intérieures. De nombreuses thérapies se sont emparées de ce concept et le brandissent comme une injonction: "tu ne vas pas bien car tu es encore en colère, tu n'as pas pardonné", "en n'accordant pas ton pardon, tu entretiens ta souffrance". Il y a un grand malentendu à propos du pardon, et il n'est pas sans conséquences parfois graves pour ceux qui souffrent. Certaines personnes portent en elles des colères rentrées vieilles de dizaines d'années. Elles sont liées à des faits graves qui n'ont jamais été entendus ni reconnus.
Une première question tombe sous le sens: peut-on accorder son pardon à quelqu'un qui ne nous l'a pas demandé ? Quelle peut être la valeur thérapeutique du pardon pour celui qui se placerait dans la position de déconsidérer sa souffrance en accordant sa grâce, tel un dieu, face au silence et au déni de l'agresseur ?
On ne souffre pas de ne pas savoir accorder son pardon. On souffre de la non-reconnaissance du mal qui nous a été fait. Ce mal est quelque chose de sérieux, on ne peut pas le cacher sous un tapis comme un peu de poussière. Il reviendra crier son dû sous maintes formes jusqu'à ce que nous l'entendions. Dans nos corps, dans nos cauchemars, à notre insu dans nos comportements d'adaptation.
Imposer le pardon, cela revient à demander à la victime de prendre en charge la conscience de son agresseur.
Un thérapeuthe ne doit jamais nous engager au refoulement de nos émotions, et encore moins à endosser celle des autres. Ce sont nos émotions qui portent l'énergie de notre guérison. Quand on a été victime de quelque chose de grave, on ne ressent pas de la colère parce qu'on a mauvais caractère ou qu'on refuse d'aller mieux. On ressent de la colère pour prendre conscience du mal qui nous a été fait. C'est une première étape, une justice que l'on s'accorde à soi-même, c'est elle qui nous aidera à nous relever dans un deuxième temps. Que pourrions-nous retenir de nos expériences les plus douloureuses si nous ne nous accordons pas le droit d'une juste colère ?
Il est important de reconnaître et d'écouter sa colère, de l'accepter comme une émotion qui a quelque chose d'important à nous dire. Lorsque nous avons vécu une atteinte grave à notre intégrité, notre psyché a besoin de cette reconnaissance pour nous aider à retrouver le chemin de la paix intérieure. Elle a besoin de tout notre engagement pour fabriquer du sens, et pas d'un emplâtre sur une jambe de bois.
A cette seule condition, on pourra envisager d'accorder son pardon à celui qui nous a gravement blessé et qui nous le demande.
Texte et crédit photos Le vent du changement
VOUS POURRIEZ AIMER:
Jacques Poujol
Commentaire le Vent du Changement :
Voici un petit livre précieux, à lire et relire comme une méditation. En 64 pages, l'auteur, pasteur et psychothérapeute, remet les pendules à l'heure à propos du pardon et de la colère, avec une grande bienveillance pour tous ceux qui ont été gravement blessés dans leurs relations.
Son point de vue très intéressant détricote le mythe selon lequel la Bible recommanderait le pardon comme une libération -et même comme un devoir- de la victime à l'égard de son agresseur.
Il reprend pour cela les passages de la Bible relatifs au pardon et nous les restitue dans leur sens originel. Et soudain tout devient lumineux, ces textes recommandant même d'exprimer sa colère -cette colère si souvent décriée et mal jugée- comme première base de la guérison intérieure, et de n'accorder notre pardon que si il nous a été demandé.